L'Afrique face à l'impérialisme numérique : Pourquoi le continent doit investir dans ses propres infrastructures de données et de connectivité
Alors que Starlink s'installe en RDC, probablement au Sénégal et ailleurs en Afrique, les voix s'élèvent pour promouvoir des alternatives locales, moins chères et souveraines.
Kinshasa/Abuja/Yaoundé/Dakar – L’annonce, le 2 mai 2025, de l’autorisation officielle de Starlink à opérer en République Démocratique du Congo par l’ARPTC. Et selon le webmedia Agenceecofin,
Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a confirmé la signature d'un accord pour l'Internet par satellite, visant à couvrir l'intégralité du territoire d'ici fin 2025. Ce projet marque une étape clé dans le New Deal Technologique du Sénégal, avec pour objectif de réduire les inégalités d'accès au numérique, notamment en milieu rural. L'identité de l'opérateur reste à confirmer, mais Starlink est évoqué comme un potentiel acteur.
De telles initiatives sont saluées par certains comme une avancée pour la connectivité. Cependant, cette nouvelle a également ravivé un débat crucial sur la souveraineté numérique de l'Afrique. Pour de nombreux experts et entrepreneurs du secteur, le continent n'a pas besoin de s'en remettre aux solutions de Elon Musk pour offrir un internet haut débit à ses populations. L'alternative existe, elle est locale, moins coûteuse et surtout, elle préserve l'autonomie stratégique des nations.
La dépendance, un risque géopolitique majeur
Le discours est sans équivoque : la technologie spatiale est la nouvelle course aux armements du XXIe siècle. « Elon Musk, Jeff Bezos et leurs collègues utiliseront leurs infrastructures comme une monnaie d'échange pour influencer nos gouvernements et les contraindre à faire leur volonté », alerte un entrepreneur technologique panafricain. La crainte est que sans maîtrise de leurs propres infrastructures de données et de connectivité, les pays africains deviennent les otages de ces oligopoles technologiques occidentaux.
Cette dépendance s'étend au-delà de la simple connexion internet. Les services d'hébergement « hyperscalers » comme ceux de Google (Cloud) et Amazon (AWS) centralisent de plus en plus les données africaines dans des serveurs situés hors du continent. « Si les Africains, les gouvernements, les PME et les particuliers ne construisent pas leurs propres mini-centres de données en interne, nous perdrons le contrôle de notre patrimoine data, le nouveau pétrole », prévient-on dans le milieu.
Les solutions locales existent et sont opérationnelles
Face à ce constat, une nouvelle génération d'entreprises africaines propose des réponses concrètes et adaptées. L'argument n'est pas un nationalisme technologique obtus, mais une logique de pertinence et de durabilité.
· Pour la connectivité par satellite : La question n'est pas de savoir si l'Afrique doit avoir son internet en orbite terrestre basse (LEO), mais quand. L'appel est lancé à l'Union Africaine et aux pays africains disposant de moyens pour financer le développement et le lancement d'une constellation satellitaire continentale.
« Nous avons la panoplie de piles tech éprouvée pour offrir la connexion Internet haut débit », affirme l'Ingenieur Chigozie Ononiwu de ce projet. Des sociétés comme SPACETHEREUM et une douzaine d'autre au Nigeria et à travers le continent, travaillent déjà sur les technologies spatiales, démontrant que l'expertise est bien présente.
· Pour l'hébergement et les données : La solution réside dans des infrastructures décentralisées et résilientes. L'entité OMNIFI, récemment enregistrée au Nigeria, incarne cette vision. Elle conçoit des centres de données modulaires, abordables, évolutifs et sécurisés, spécialement adaptés aux contextes africains. La particularité de ces solutions ? Elles sont alimentées par des mini-réseaux solaires, contournant ainsi le défi de l'énergie et réduisant considérablement les coûts opérationnels. Ces "data centers conteneurisés" sont une réponse directe au besoin d'infrastructures locales, maîtrisées et "futureproof" (prêtes pour l'avenir).
Une opportunité à saisir pour une véritable indépendance numérique
L'autorisation de Starlink en RDC et ailleurs doit servir de signal d'alarme. Elle ne doit pas être perçue comme une fin en soi, mais comme la démonstration d'un marché et d'un besoin auxquels l'Afrique est parfaitement capable de répondre par elle-même.
L'enjeu est de taille : il s'agit de ne pas répéter les erreurs du passé où le continent, riche en ressources, en importait les produits transformés. Aujourd'hui, avec la data, il a l'opportunité de construire sa propre chaîne de valeur – de la collecte à l'hébergement en passant par la connexion.
La bataille pour la souveraineté numérique africaine ne fait que commencer. Les gouvernements, les investisseurs et le secteur privé local sont aujourd'hui à la croisée des chemins : s'engager résolument dans la voie de l'autonomie en soutenant les solutions maison, ou se préparer à une nouvelle forme de dépendance stratégique, peut-être encore plus contraignante que les précédentes. Le choix qui sera fait dans les prochaines années déterminera la place de l'Afrique dans l'échiquier géopolitique et économique du futur.